?
Ω Ω Ω
Qu’est-ce que c’était que cet endroit malsain ?
C’était la question que se posaient Hagrid, Malfoy et Ethan. Fraîchement jetés ici par cette espèce de Portoloin trafiqué, ils en étaient encore à reprendre leurs esprits ; ils avaient été drôlement secoués par le voyage, et l’atterrissage avait fini de les assommer pour de bon.
Ethan s’était assis par terre, en tailleur, histoire de réfléchir à tout ça calmement ; Hagrid faisait quelques pas, pour remettre ses idées en place, les mains dans le dos ; quant à Draco, il venait de glisser son fume-cigarette entre ses lèvres et, tout en fouillant dans ses poches à la recherche d’une allumette, s’était approché d’une des fenêtres, dont les vitraux étaient explosés.
" Sacré nom de Zeus ! " s’exclama-t-il, sur un ton réellement surpris.
Ethan esquissa un sourire – son vieil ami n’avait pas perdu l’usage de ces expressions désuètes et ridicules. Il se leva et le rejoignit, pour jeter un coup d’œil alentour.
" - Eh bien, nous voilà paumés dans le trou du cul du monde, les enfants, fit-il remarquer fort justement.
Draco eut un sourire que Ethan eut du mal à qualifier.
Le jeune homme s’était appuyé contre le mur, et tirait lascivement sur son fume-cigarette ; à le voir, on savait d’emblée qu’il n’était pas là pour s’amuser, et pourtant, quelque chose dans sa façon d’être sous-entendait le contraire. C’était comme s’il était venu, juste pour faire genre.
" Cela, je n’en suis pas si sûr, répondit-il en exhalant une dernière bouffée de fumée. Tu oublies quel genre de force a été réveillé. Tu penses que tu seras capable de réciter la formule qui la tuera ? Et tu penses que tu seras capable d’exécuter le rituel ? "
Comme Hagrid, Ethan resta stupéfait.
Le jeune chasseur de vampires savait pertinemment qu’il devrait user de cette magie qu’il exécrait, mais pourquoi Draco lui demandait s’il le pourrait ?
" Je le ferai, dit-il simplement, humble. J’ai fini de grandir en apprenant comment nettoyer notre monde de cette vermine. Si tu crois que je n’en suis pas capable, tire-toi d’ici. "
Draco sourit une nouvelle fois ; il écrasa son mégot contre le mur, et le jeta au sol, puis rangea son fume-cigarette dans une poche intérieure de sa veste. Une fois chose faite, il rajusta sa veste dans un geste de dandy précieux et fit un pas en avant.
" - Si je ne t’en croyais pas capable, penses-tu que je serais ici, à attendre de me faire arracher les tripes par un vampire déjanté ? Mmmh ?
Ethan se tourna vers Hagrid, qui venait de parler.
Le demi géant se tenait devant le mur, bras ballants.
" - On ne vous a pas appris à défoncer une porte, même sans baguette magique ? fit Draco, blessant plus que moqueur.
Il jeta un coup d’œil circulaire. C’était très haut, abrupt ; s’ils passaient par là, au moindre faux mouvement, ce serait la mort assurée, ne serait-ce qu’en tombant sur les rochers, en bas. Aucun arbre, et même s’il y en avait eu, jamais ils n’auraient été assez hauts pour leur être secourables. Transplaner ? Oh, même pas en rêve. Eswann avait dû installer moult pièges magiques, alors mieux valait se méfier, parce qu’elle n’avait sans doute pas fait dans la dentelle. Ce n’était pas le moment de finir en petits morceaux, alors qu’ils venaient à peine d’arriver.
" - Rah, je le savais… fit-il en faisant craquer les jointures de ses doigts.
Et Hagrid et Draco de se retourner, complètement estomaqués par l’absurdité de cette remarque. Ethan avait croisé les bras sur sa poitrine, affichant un sourire goguenard des plus irritants pour les deux autres, mais qui finit par les faire sourire à leur tour. Il ne changerait jamais, celui-là, toujours à rigoler dans les pires moments.
Malfoy ne put pourtant s’empêcher de penser à la raison pour laquelle, tout jeune encore, son copain de fac avait choisi cette voie ; il n’était pas du genre sentimental, mais savoir pourquoi il était devenu spécialiste en extermination vampirique, lui avait toujours serré le cœur. Au moins, lui, il avait choisi, même à cause de cette malheureuse raison, alors que lui, Draco, avait été obligé de suivre les idéaux de la famille, obligé d’entendre toute sa vie des " tu es comme ton père, Draco ", " tu seras comme ton père, Draco ", " tu ressembles tant à ton père, Draco " ou encore subir la méchanceté de ce fameux père, qu’il avait toujours redouté, fui et qu’il avait fini par tuer, tout simplement. Comment sa mère avait-elle pu aimer un salopard comme lui ? Mais, l’avait-elle aimé ? Oui, évidemment, oui… Sinon elle n’aurait jamais perdu la tête, à sa mort. Lui qui pensait les avoir débarrassés de ce fléau, en fait, avait plongé sa mère dans une éternelle nuit sans lumière, et avait fini par comprendre qu’en la tuant aussi, il serait vraiment libre, tout comme elle, finalement.
Libre comme l’était Ethan.
Il venait à peine de se rendre compte qu’en fait, il avait toujours été jaloux de son ami. Lui, jaloux… Impensable ! Et pourtant, vrai. Malgré le drame qui l’avait marqué, Ethan avait toujours été libre de ses choix, de ses mouvements, de ses pensées ; il avait grandi en France, avait appris la magie dans une école française, puis s’était orienté vers une faculté allemande, la seule qui proposait le cursus qui l’intéressait. Là, il y avait connu Eswann Bathory et Draco lui-même – ce fut la seule chose qu’il n’ait pas faite comme son père, ça, faire des études supérieures à l’étranger.
Ce que Ethan ignorait de lui-même, Draco le connaissait ; il l’avait lu dans les Chroniques des Sorciers. D’où sortait l’épée qu’il portait dans le dos, sanglée contre lui, prête à servir à tout moment ? Ethan était persuadé qu’elle était dans sa famille depuis des siècles, mais il n’en était rien ; il avait tout oublié de cette partie de son passé, il savait juste qu’il avait embrassé la carrière de chasseur parce qu’il avait perdu quelqu’un de cher à son cœur.
C’était seulement en cela que Draco était supérieur à Ethan. Parce qu’il savait des choses qu’il ignorait.
Il en vint à le haïr un instant. Il avait eu la belle vie, finalement, sans y inclure cette période noire qui avait grandement secoué le monde sorcier : la première année de la renaissance de Celui Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom, laquelle fut suivie de trois années aussi sanglantes et funestes, pour tous et toutes. Ethan y avait gagné ses premières lettres de noblesse, et il ne s’en souvenait même plus !
" Hé, fils de bourge, à quoi tu rêves là ? "
La voix de son ami le sortit de ses sombres pensées.
" - Ne m’appelle pas comme ça, sale rat irlandais, répliqua-t-il avec flegme.
Il sortit sa baguette magique, et la pointa simplement sur le mur en face de lui, sans chercher à comprendre.
" Voudrais-tu te pousser, s’il te plaît ? " demanda-t-il toutefois.
Ethan rejoignit Hagrid, qui était de l’autre côté, vers les fenêtres.
" Destructis ! "
Le sort percuta l’épais mur de pierres comme un boulet de canon, dans un bruit assourdissant ; les morceaux de pierre commencèrent à jaillir en tous sens, martelant le mur d’en face et finissant de casser les vitraux encore debout. Draco ne broncha pas, stoïque malgré la violence du choc, comme si les jets de pierre ne pouvaient pas le toucher, alors que derrière lui, Ethan et Hagrid en prenaient plein la figure, si bien que le demi géant s’était mis devant son compagnon de route, pour le protéger.
Une fois le bruit de l’explosion passé et les pierres retombées, et une fois la poussière dissipée, ils purent constater que le sort de Draco avait bel et bien ouvert un passage dans le mur.
" - Mais qu’est-ce que c’est que ce sort de barbare ?? lança Ethan, visiblement étonné.
Il fut le premier à entrer dans le passage ; le mur devait bien faire deux mètres d’épaisseur. Hagrid frissonna en pensant que cette pièce sans porte avait sans nul doute été, jadis, une cellule, et que peut-être, un grand nombre de prisonniers avait perdu la vie ici. Ils y avaient échappé pour l’instant, mais la soirée n’avait pas encore commencé, et ils venaient à peine d’arriver.
En attendant, ils en étaient sortis, et maintenant, ils avançaient dans un couloir à peine éclairé, jonché de pierres vraisemblablement tombées du plafond, duquel pendaient d’innombrables toiles d’araignées – qui semblaient ne gêner que le demi géant, de toute façon – et dont les murs suintaient d’humidité. En le suivant, ils finiraient bien par arriver quelque part, et ils auraient de la chance, si c’était sur une autre personne qu’Eswann. Ou peut-être pas.
Chacun, à sa manière, songeait à ce qui les attendait. Qui aurait pu croire que cette simple histoire de vampire, allait les emmener face à une éventuelle renaissance du Seigneur des Ténèbres ? C’était tellement tiré par les cheveux, tout cela… Eswann ne pouvait être à l’origine de cette idée ; Ethan la connaissait, elle avait été une élève brillante, mais pas assez tordue pour imaginer ça, et en plus, elle était contre Voldemort, elle l’avait toujours dit. Elle était peut-être amoureuse d’un Mangemort, mais elle n’aurait pas embrassé le Mal pour autant ; elle ne pouvait être l’instigatrice de ce complot gigantesque. Comment aurait-elle pu savoir qu’un des élèves de Poudlard descendait des Drake, ces fanatiques sanguinaires ? Seul Draco semblait connaître ce détail, puisque même Rogue l’avait ignoré jusqu’à peu. Draco avait accès à toutes les informations possibles et imaginables sur tous les sorciers du monde ; lui savait depuis le début qu’Alice était une Drake, et qu’elle aurait forcément un rôle à jouer à un moment donné. Mais pourquoi elle ? Elle n’avait rien à voir avec Voldemort ! Elle n’était finalement que la fille d’un couple de vampires, si l’on pouvait dire cela avec légèreté, elle n’était encore qu’une élève, et quand bien même elle venait de Durmstrang, cela ne faisait pas d’elle la clef de vie de Voldemort ! Son seul tort était de se passionner pour la magie noire ; maintenant, de chute en chute, elle était devenue comme ses parents. Qui l’avait placée, encore bébé, dans une famille de Moldus ? Qui avait choisi de la soustraire à sa destinée, et qui avait eu l’idée de la mettre dans une école prônant la magie noire ? Toute sa vie n’était qu’une montagne de contradictions, pour en arriver où ? A Voldemort ? Absurde…
Il n’y avait que quelqu’un la connaissant bien, pour aller la soutirer à sa vie tranquille. Et une seule personne pouvait en avoir l’idée : Engel Sheller.
Soudain, Ethan s’arrêta net. Il avait posé la main sur sa tête, à l’endroit où se trouvait sa cicatrice. Elle venait subitement de se mettre à le faire souffrir, alors qu’elle l’avait miraculeusement épargné pendant quelques heures – et il avait savouré ces courts instants avec délice.
" - Il va falloir faire gaffe, dit-il seulement. J’ai mal.
Cela ils le savaient dès leur premier pas dans la cellule de pierre. Ils n’étaient pas venus ici pour jouer aux cartes, et ils y perdraient peut-être la vie, mais au moins, ils auraient fait quelque chose pour empêcher le mal de renaître. S’ils échouaient, ils préféraient encore mourir, mais ils ne le feraient pas sans se battre.
Jamais. Qu’ils soient un gros lourdaud, un sale rat irlandais, ou un fils de bourge…
Si cette sorcière démente tentait de les en empêcher, et bien elle trouverait de quoi se casser les dents. Si Engel Sheller était l’instigateur de cette folie, il n’aurait pas le luxe de se payer un bon avocat, parce que son seul juge serait la Mort.
Pour l’instant, ils n’étaient que trois à se dresser contre eux, mais bientôt, ils seraient deux de plus, pour faire pencher la balance en faveur du bien. Voldemort, si tel était le projet de Sheller, ne reviendrait pas. Il n’y avait plus Harry Potter, certes, mais c’était égal. L’envie de vivre pouvait très bien passer outre ce détail.